lire Archives - Mes attaches invisibles https://www.alexandrastrauss.fr/tag/lire/ Le site d'Alexandra Strauss Thu, 26 May 2016 20:28:38 +0000 fr-FR hourly 1 https://www.alexandrastrauss.fr/wp-content/uploads/2020/09/favicon-32x32-1.png lire Archives - Mes attaches invisibles https://www.alexandrastrauss.fr/tag/lire/ 32 32 Vivre d’extase de calme et d’art https://www.alexandrastrauss.fr/vivre-d-extase-de-calme-et-d-art/ https://www.alexandrastrauss.fr/vivre-d-extase-de-calme-et-d-art/#comments Thu, 26 May 2016 20:28:38 +0000 http://www.alexandrastrauss.fr/?p=1137 J’en reviens toujours à cette question: à quoi sert l’art dans nos vies ? Que nous apportent la musique, le face à face avec un tableau, la lecture, dans ce monde où l’on court, travaille, nous hâtons à chaque instant, sans cesse interpellés par la marche du monde, l’agressivité médiatique, les images, les sons, les […]

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Odilon REDONJ’en reviens toujours à cette question: à quoi sert l’art dans nos vies ?

Que nous apportent la musique, le face à face avec un tableau, la lecture, dans ce monde où l’on court, travaille, nous hâtons à chaque instant, sans cesse interpellés par la marche du monde, l’agressivité médiatique, les images, les sons, les mots, qui jamais n’arrêtent de défiler ?

Lire. Rester longuement face à une image. Ecouter une musique sans faire autre chose en même temps. Qui en prend encore vraiment le temps? Qui réussit à s’asseoir, à s’abstraire du flux incessant des données numériques, de l’autopromotion, des tentatives de dire »j’existe » dans la ronde du monde ? Et pourtant, si je prends la décision de m’asseoir, de briser la course, je retrouve l’intensité du présent, et soudain je n’ai jamais été aussi vivante qu’en le percevant. Ainsi, la lecture me fait prendre conscience du bruit des feuilles secouées par la brise, de voix d’enfants quelque part dans le voisinage, de l’odeur du chèvrefeuille qui s’enroule autour de la grille de la cour, de mon corps comme lieu de ces sensations. Puis je n’entends plus rien, je ne sens plus rien, un livre m’a emportée: je suis partie en Allemagne à la poursuite d’un physicien et de son principe d’incertitude, dans les années 1930, je le suis, subissant et cautionnant le régime nazi, je travaille en vain à fabriquer un réacteur nucléaire, je ressens son impuissance face au monde, mais aussi ses brefs instants d’illumination. (1) Ou bien, je partage le quotidien d’une famille qui semble modèle, les souffrances qui accompagnent les secrets, les ressorts du pouvoir et de la lâcheté qui sous-tendent son fonctionnement, ce sont les années 70, puis 80, c’est proche et loin de moi tout à la fois, c’est un récit à la première personne, je ne peux plus le lâcher… (2).

Quand je relève les yeux, du temps a passé, je ne saurais dire combien, mais le monde n’a pas basculé en mon absence de lui. Et je pense à Jorge Semprun qui, dans les camps, s’échappait quelques instants, reprenait force en se récitant des vers. Je devrais apprendre de la poésie, m’approprier les mots des poètes afin de les digérer lentement par le plaisir de leurs sonorités sous mon palais. Et voilà que débarque dans ce bref texte le principe du plaisir, celui qui je crois nous envahit lorsque nous arrêtons le flux du temps l’instant d’une réflexion, d’une sensation analysée, ou juste léchée comme une glace. Oui, nous ne lisons plus, ou tellement moins, car nous peinons à nous asseoir, à poser méditativement notre pensée, non dans le flux, mais dans l’instant, nous renâclons désormais à lâcher tout d’un coup, comme lors de ces moments où l’on dessine sur le sable, ou ceux où l’on chante pour un enfant qui s’endort. Et j’en arrive avec tout cela à la conclusion que le plaisir vient de l’échange, de la rencontre entre une proposition artistique et une histoire personnelle, un souvenir, une thématique, un non-dit profond qui soudain émerge avec les sons, les couleurs, les formes, les sujets, apportés par une œuvre, et qui n’apporte pas une réponse, mais la possibilité d’une évolution, ou l’évolution des pensées, ou l’affirmation d’autres. J’aime, par exemple, follement, l’œuvre de Paul Gauguin, il touche en moi le rêve d’un mode de vie autre que celui que nous propose notre société occidentale, la possibilité de « vivre d’extase, de calme et d’art » (3).

D'où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? 1897 Musée des beaux-arts de Boston, Boston (États-Unis)

D’où venons-nous ? Que sommes-nous ? Où allons-nous ? 1897
Musée des beaux-arts de Boston, Boston (États-Unis)

Et Odilon Redon. Redon, qui est pour moi le modèle d’une vie fondée sur l’amour des arts, l’artiste qui a transfiguré ses souffrances dans les noirs, et a appris l’abandon, la délivrance, le détachement en s’ouvrant à la couleur et à ce qu’elle lui apportait de beautés et de légèretés. Ecrire sur le malheur comme Ferrari ou de Vigan permet de s’en détacher et peut-être d’aider d’autres à se détacher, peindre des noirs est une étape vers la couleur et ses grâces. C’est pourquoi je suis revenue vers Redon à la demande des éditions Delpire, et ce très beau Poche Illustrateur me permet de livrer un choix de ses œuvres et une préface qui sont pour moi un véritable prolongement de mon roman sur la vie de Redon Les Attaches Invisibles, et aussi la possibilité de le faire connaître au plus grand nombre, de partager la joie que me donne son travail, son itinéraire, son exemple.

dos Poche Illustrateur

 

  • 1, Le Principe, de Jérôme Ferrari
  • 2, Rien ne s’oppose à la nuit, de Delphine de Vigan
  • 3, extrait d’une lettre de Paul Gauguin à sa femme vers 1890

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Lire, écrire, l’été est là https://www.alexandrastrauss.fr/lire-ecrire-l-ete-est-la/ https://www.alexandrastrauss.fr/lire-ecrire-l-ete-est-la/#respond Sat, 28 Jun 2014 09:07:00 +0000 http://www.alexandrastrauss.fr/?p=946 « Pourquoi un livre nous attrape-t-il,  si ce n’est parce qu’il renvoie à une part obscure de nous-même? » Sylvie Gracia, Le livre des visages Ceci est du blog, jailli de ce début d’été, mais de l’écriture aussi, de la pure écriture, idées jetées en pâture aux lettres d’imprimerie,  sensations exprimées, traduites en mots. Lire. Périodes de […]

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« Pourquoi un livre nous attrape-t-il,  si ce n’est parce qu’il renvoie à une part obscure de nous-même? »

Sylvie Gracia, Le livre des visages

Ceci est du blog, jailli de ce début d’été, mais de l’écriture aussi, de la pure écriture, idées jetées en pâture aux lettres d’imprimerie,  sensations exprimées, traduites en mots.

Lire. Périodes de vie, périodes de lecture. Associations dans la mémoire entre un épisode de la vie et un, ou des livres. Celui-ci est lié à un voyage en autobus au fond de l’Anatolie, celui-là à une chaleur intense qui pesait sur Paris, celui-ci à une grippe et aux fièvres qui l’accompagnaient, celui-là à une amitié terminée. Périodes fastes. Périodes sans. Temps de quête où je passe d’un monde littéraire à un autre, temps d’entêtement quand je poursuis un auteur  jusqu’à avoir été jusqu’au bout de son œuvre.

Il y a ces livres que je relis tous les 10 ans tel Ada ou l’ardeur de Nabokov, La montagne magique de Mann, Dalva de Harrison, Les mémoires d’Hadrien de Yourcenar, Austerlitz de Sebald, Guerre et paix de Tolstoi, Le voyage au bout de la nuit de Céline. Ils sont mes proches, mes chouchous, les piliers de ma vie. A eux, je mesure ma permanence, mais aussi mes évolutions, car ils m’apportent à chaque nouvelle rencontre un même plaisir ou un nouveau, le bonheur des retrouvailles, et aussi des découvertes de détails inaperçus lors d’une lecture précédente.

Ecrire. Quand j’écris, il y a toujours cette question qui me poursuit: qui vais-je intéresser ? Alors qu’il ne devrait y avoir que du plaisir. Celui du jaillissement hors de soi de pensées qu’on a besoin d’énoncer. Celui de transformer le flux d’un instant pour lui donner corps dans la durée. Celui d’organiser le chaos intérieur en une construction qui donne du sens. Celui d’être juste cet instant là, cette concentration, ce travail joyeux de la conscience.

Plaire. Ou plutôt savoir que j’ai réussi à mettre les mots qu’il fallait sur des sensations que d’autres ressentent mais ne savent, ne peuvent ou n’osent exprimer. Qu’ils me le signifient. Qu’une ambiance particulière, extraite du souvenir, ou de la digestion du souvenir, ou juste de la brume intérieure des méandres de ma tête, évoque chez une personne qui a une autre expérience du monde, la même musique, ou alors qu’elle lui permette soudain de re-voir, de comprendre, de découvrir une pensée ou une image ignorée qu’elle portait en soi. Le bonheur.

C’est ce que je cherche comme lectrice, ce que je recherche comme auteur.

Pourquoi on lit tel livre ? Et pas tel autre ? Quelles associations de hasards me/vous font soulever celui-ci plutôt que celui-là… Attraction par le titre, l’image de couverture, un conseil, un coup de tête.

Quand je relis certains livres lus à l’époque de mes vingt ans, dans l’idée de les conseiller à mon fils aîné par exemple, ou de me rafraichir les idées à leur propos, ou pour renouveler un bonheur passé, certains que j’ai adorés me tombent des mains et restent des semaines durant sur ma table tandis que je prétends que je vais les terminer. Mais je ne parviens plus à les aimer à nouveau et préfère rester sur mon souvenir. Le livre comme l’écriture qui le produit est la rencontre entre un temps donné, une illumination, une fenêtre qui s’ouvre… et le contenu-matière qu’il est. Certains vous touchent toute la vie, d’autres à certaines périodes.

Je vais me faire brève, puisque ceci est du blog.

L’été donc est venu, moment où l’on se dit qu’on a beaucoup de temps. Qu’on va lire les gros pavés qu’on a laissés longtemps en attente sur l’étagère trop élevée des jours normaux. On s’imagine dans un transat à l’ombre d’un tilleul, ou sous un parasol, dans un train qui vous entraîne vers ailleurs, ou entre les draps presque encore frais au cœur d’une nuit chaude.

Pour cet été, je vous propose quelques suggestions. En échange des vôtres.

Je dirai: Les tribulations de Maqroll le Gabier, ensemble de sept courts romans écrits par l’écrivain colombien mort cette année, Alvaro Mutis, comme son ami Marquez qui lui avait d’ailleurs dédicacé Cent ans de solitude. Ils embarqueront tous ceux qui ne sont pas allés aussi loin qu’ils le rêvaient, ceux qui aiment les aventuriers perdus d’avance, comme ces héros des films de John Huston (Le trésor de la Sierra Madre) Son univers est celui des jungles moites, des traversées maritimes dangereuses, des attentes dans des hôtels louches, des mines d’or vides… Maqroll est un errant lettré qui boit du rhum pour oublier  le travail dévastateur du temps.

Et je dirai l’œuvre autobiographique de Simone de Beauvoir, parce que cette année a été pour moi cette rencontre de son œuvre. Les mémoires d’une jeune fille rangée, La force des choses, La force de l’âge, Une mort très douce, les Lettres à Nelson Algren, la Correspondance croisée avec Jacques-Laurent Bost, pour se plonger dans une époque qui désormais s’éloigne, des années 1920 aux années 1960, se confronter à une vie consacrée à l’écriture, revisiter son exigence, sa lucidité incroyable, sa vie-feuilleton palpitante qui vous emmène marcher dans les Alpes, traîner dans un Paris disparu, voyager au Maroc, au Mexique, dans une Grèce encore vide du tourisme, dans des amours qui se font et se défont, une vie qui se réfléchit, se critique, à travers ses choix et ses déceptions, sa quête incessante du bonheur.

Contemporain et dérangeant, mais lyrique, Mathias Enard, La perfection du tir et son portrait glaçant, mais humain, atroce, d’un jeune sniper au temps de la guerre civile qui fit exploser la Yougoslavie, Rue des voleurs, l’islamisme et les rêves d’Europe, encore un portrait de jeune homme dans la peau duquel le voyage est troublant. Et puis, L’alcool et la nostalgie pour ceux, comme moi, qui aiment la vodka russe, l’idée de traverser le continent en transsibérien et quand la langue française s’envole dans les vapeurs de la boisson et les excès de sentiments.

En bonus, Le livre des visages de Sylvie Gracia, un fascinant journal intime qui révèle autant sur ce que l’on n’ose se dire que sur celle qui l’a écrit. Avec elle, on traverse une période récente de la vie française que sont les années Sarkozy. Une femme se regarde au jour le jour et devient personnage de roman en dévoilant ses pensées. Passage de l’an tranquille à Venise, bonheur familial en Corse, traumatismes de la mort d’être aimés, c’est l’intime, ces moments où le quotidien devient romanesque grâce à l’écriture et parle alors d’universel.

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« Les meilleures choses de la vie naissent ainsi, les livres, les amours, les rencontres. Sans attente ni désir. S’imposent parce que là, devant soi, redessinant l’horizon. « 

Sylvie Gracia, Le livre des visages

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